Ami humain, choisis ta voie

Prophezine, les enfants de Moryagorn

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Prophezine #4

Autour de Kor

Danse macabre

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La lame reposait sur de la soie blanche, sans doute en provenance directe d'Yris. Durian posait un regard dur sur la double épée qu'il avait demandé. Il était très exigeant quand il s'agissait d'acheter son arme favorite. Il la prit dans sa main gauche, la soupesa, fit quelques mouvements très fluides et donna un coup rapide sur un mannequin en bois qui se trouvait à proximité. Le morceau représentant la tête vola. Les lèvres de Durian s'amincirent pour former un léger sourire. Il s'approcha du mannequin décapité et observa la coupe qu'il venait de réaliser. Le bois avait légèrement roussi. Cette double épée était assurément l'oeuvre d'un maître forgeron

Le forgeron grimaçait. Comment cet homme avait-il pu remarquer ce détail. Seuls de rares initiés avaient déjà vu du sombre acier et visiblement celui qu'il avait devant lui faisait parti de ceux-ci. Pourtant il ne payait pas de mine avec sa toge brune un peu rapiécée. Un érudit avait-il pensé. A présent, il savait qu'il devait certainement s'agir d'un tueur professionnel, oeuvrant dans l'ombre. Il se félicitait de ne pas avoir tenté de le truander.

Orphal fit un bref hochement de tête que lui rendit Durian. Celui-ci mit la double épée dans son fourreau et sortit de la boutique en déposant une petite bourse sur l'établi. Le forgeron attendit que son client soit sorti pour regarder à l'intérieure du petit sac de cuir. Un drac d'or y reposait. C'était seulement le troisième qu'il voyait depuis qu'il avait ouvert sa forge. Orphal était heureux d'être encore en vie. Il savait maintenant que si son client n'avait pas été satisfait, sa tête aurait rejoint celle du mannequin.
Durian entra dans une taverne miteuse et se dirigea dans un coin sombre où l'attendait une table et un homme au regard étincelant. Durian prit place et lui tendit sa nouvelle acquisition. Sans dire un mot, l'homme tendit une main mais s'arrêta à quelques millimètres de la lame. Un froncement de sourcil à peine visible déforma pendant une fraction de seconde son visage parfait.

Il se leva et se dirigea vers la sortie. Durian hocha la tête en un signe d'approbation. Tout était dit. Le forgeron serait interrogé puis exécuté pour hérésie. Quant au véritable créateur de la double épée, il deviendrait la nouvelle cible de Durian.
Le bateau quittait enfin Jaspor, cette terre de débauche. A son bord, Durian se demandait quel subterfuge employer pour prendre l'artisan noir sur le fait. Une petite main blanche se posa sur la sienne. Durian se détendit en prenant une grande inspiration. Il grimaça. Il n'aimait pas beaucoup l'odeur du large. Il se demandait maintenant si le bateau n'était pas un peu loin des côtes. Une seconde main se déposa sur les doigts crispés de l'inquisiteur. Durian cessa de regarder le littoral pour apprécier le doux visage de la jeune fille qui se tenait à ses côtés.

Il adressa un sourire bienveillant à la jeune fille. Son teint pâle renvoyait chacune des lumières chatoyantes du soleil couchant. En de pareils moments, Durian doutait de la réelle existence de cette jeune fille. Sa seule présence suffisait à calmer ses ardeurs et lui faire oublier les petits tracas de sa vie. Il chassa de son esprit cette pensée. Elle ne pouvait pas être irréelle. Il sentait la chaleur de ses mains contre la sienne. Il pouvait facilement se perdre dans ses yeux d'un bleu si profond. Durian refusait de croire que cette enfant qu'il chérissait comme sa propre fille ne puisse être que le fruit de son imagination. Pourtant, personne à part lui ne semblait la voir, ni l'entendre...
Elle lui rendit son sourire, tout en se blottissant un peu plus contre l'inquisiteur. Il lui sembla qu'elle tremblait.

Voyage

Les nuits se succédaient sur Le Vespalien et avec elles, les nausées du grand large. Durian n'aimait vraiment pas ce moyen de transport. Il s'interdisait toute animosité envers Ozyr qui devait bien être la responsable de toutes ces vagues... Un avertissement. Cela ne pouvait être que cela. Le bateau était beaucoup trop loin des côtes ! Demain, il en toucherait deux mots au capitaine, dès qu'il aurait cessé de vomir. Entre deux haut-le-coeur, Durian vit sa protégée observer les étoiles. Il vint à ses côtés et leva son regard vers les cieux.

Durian laissa échapper un rire que le vent se chargea d'amplifier. Bizarrement, il n'avait plus mal au ventre. De toute façon il n'avait plus rien à rendre pour cette nuit.

Il retourna à sa couche, priant Ozyr de calmer les vagues en attendant qu'il touche quelques mots au capitaine, et priant Brorne de garder sa chère enfant loin des fadaises humanistes concernant les étoiles.

Orphal avait avoué avoir acheté la double épée à un marchand provenant des Marches Alyzées, Yrgan. Cependant il doutait fort que c'était son vrai nom. Toutefois en sympathisant avec lui, Orpahl avait cru comprendre que cet arme provenait d'un lot d'arme que des protecteurs avait pris d'un groupe de bandits sévissant dans les terres Galyr. Leur chef était paraît-il soutenu par un riche seigneur local. Orphal n'en savait pas plus.

Se posait alors à Durian un cruel dilemme. Son envie de mener à bien son enquête rapidement l'obligeait à continuer son voyage vers les terres Galyr en bateau. Cependant, il ne savait pas si son estomac supporterait de passer autant de temps loin d'un sol qui ne tanguait pas . Après un long débat intérieur, il décida de descendre à la première escale. Pour voyager plus vite il ferait appel à un passeur qui lui ouvrirait des passages élémentaires pour raccourcir son trajet.

De retour sur la terre ferme des Marches Alyzées, Durian alla prendre un repas copieux qu'il savait pouvoir garder plus de deux heures dans son ventre. En revoyant le port encore en construction de la capitale de ce royaume unifié sous la bannière de Jard, Durian se conforta dans son idée de ne plus jamais prendre un navire, dusse-t-il apprendre à nager pour cela !

Après une bonne nuit de repos, il commença à mener son investigation. Comme il le pensait, personne n'avait revu Yrgan depuis bien longtemps. Cependant sa journée n'avait pas été perdue. Non seulement les indices qu'il avait réussi à récolter corroboraient les dires d'Orphal, mais sa protégée lui avait dégoté un mage nommé Gurz. Il se disait capable de créer un tunnel élémentaire de la nature permettant à qui l'emprunterait de gagner de précieuses heures de marche.

Visiblement Gurz était encore un peu novice ce qui ne plaisait guère à l'inquisiteur. Mais à choisir entre mourir par les griffes d'une créature hostile issue dont ne sais où pendant leur traversée et mourir noyé pour avoir navigué trop loin des côtes, Durian avait très vite fait son choix. Contrairement à lui, la jeune fille l'accompagnant n'avait pas l'air surprise par cette magie des tunnels. En fait, aussi loin que l'inquisiteur remontait dans le temps, il ne l'avait jamais vu manifester le moindre intérêt ou le moindre étonnement concernant la magie. Comme si elle savait déjà tout cela, ou que cela lui était égal. Plus tard il faudrait lui en toucher un mot. Au fil des jours, les ?tunnels" de Gurz étaient de plus en plus magnifiques et surtout résistants aux intrusions extérieures, ce qui n'était pas forcément pour déplaire à tout le monde. L'arrivée à Férune marqua le départ de Gurz.

Faire des passages verdoyant dans l'empire de Solyr est une chose somme toute aisée, mais dans le désert, c'est beaucoup plus difficile et dangereux. Je vous conseille de vous adresser à un mage du feu " avait-il dit avant de se diriger, le sourire aux lèvres, vers une femme vêtue à la mode d'Yris.

En le voyant flirter ainsi, Durian se demandait ce que devenait sa femme qu'il avait laissé à Kern. Il entreprit alors de lui écrire un petit parchemin pour la rassurer un peu. Il restait bien sûr très vague sur le lieu où il se trouvait actuellement et sa destination. Il remit le rouleau scellé à l'un de ses collègues et repartit, lui aussi le sourire aux lèvres. La caravane ralliant Griff ne partirait que dans trois jours, aussi, Durian occupa-t-il ses journées en se renseignant sur les dangers d'une traversée du désert et sur un marchand d'armes nommé Yrgan. Le soir, il écoutait les récits des voyageurs et était à l'affût du moindre indice pouvant corroborer l'existence d'un forgeron de sombre acier.

Durian n'aimait pas spécialement plus le désert Zûl que l'océan. Il n'y avait que du sable à perte de vue. Certes celui-ci était de différentes couleurs et permettait ainsi de rompre légèrement la monotonie du trajet, mais du sable reste du sable. Il s'insinue dans les moindres petites ouvertures de vos vêtements et vous saigne sans même que vous ne vous en rendiez compte. Contrairement à Durian qui suait sang et eau pour avancer, sa protégée, elle, ne semblait aucunement gênée par la chaleur. Il lui en demanda la raison entre deux souffles. Pour toute réponse, elle remua ses lèvres et il sentit que la température avait légèrement baissé autour de lui. La suite du voyage lui fut alors un peu moins pénible.

En apercevant les remparts de Griff, Durian fut soulagé de retrouver la civilisation. Trouver un bon lit, un repas copieux et surtout un bain chaud était devenu pour lui une priorité vitale. L'auberge de l'Ecaille Dorée était plutôt renommée pour la qualité de son personnel et surtout pour Dame Lyanae, la femme du gérant. Plutôt petite, le teint buriné par les fourneaux, elle n'était pas spécialement un modèle de beauté féminine. Durian se demandait alors pourquoi cette femme avait les faveurs de tout le quartier. C'est quand il l'entendit chanter une complainte que sa mère lui fredonnait quand il était enfant qu'il comprit. L'espace d'une chanson, l'inquisiteur s'était retrouvé au milieu des guerres fratricides et versa même une larme quand le Grand Kezyr vint à créer Khyméra, par accident, en frappant son propre fils. Il se retourna pour voir si sa protégée partageait son émotion et fut surpris de déceler un léger trait de colère déformer son visage si doux. Il pensa alors au Neuvième qui avait déclenché ces guerres. Lyanae entonna un autre air, plus enjoué celui-là. Un adolescent, dont le visage était constellés de taches de rousseurs, vint avertir Durian que son bain était prêt. Un peu déçu de ne pouvoir entendre la fin de la chanson, il s'en alla donc dans la pièce d'eau qui lui était réservée, se déshabilla et savoura cet autre moment de bonheur.

La caravane de Zaleck comptait une centaine de voyageurs. De quoi dissuader de nombreuses créatures sauvages de la prendre pour cible. Toutefois, les zûls n'étaient pas spécialement intimidés et à plusieurs reprises certaines tribus avaient tenté d'isoler l'un des chariots. Se battre sur le sable était difficile pour l'inquisiteur. Sur un sol dur il aurait pu empêcher certains de ses compagnons d'être blessés ; hélas, sur un sol si mouvant, il perdait ses forces à garder un équilibre précaire. Chaque déplacement soulevait des nuages de poussière qui l'aveuglaient et s'insinuaient dans ses vêtements. Chaque accrochage avec la lame d'un Zûl manquait de le faire tomber. Décidément, le désert Zûl ne lui plaisait vraiment pas. Il avait hâte de retrouver les plaines verdoyantes de la Pomyrie. Il avait hâte d'arriver en terre Galyr. Il avait hâte de mettre un terme à sa mission. Il avait hâte de retrouver sa femme.

Comme à chaque fois qu'il était perdu dans ses pensées, les mains de sa protégée se posaient sur les siennes et d'un regard elle apaisait son âme de tous les tourments qui le hantaient. Des fois il se demandait qui veillait sur l'autre. Elle était toujours là dans les moments difficiles. Disparaissant une fois ceux-ci passés, et réapparaissant de nouveau au hasard d'un chemin. Durian en vint à la conclusion que sa mission en Galyr n'allait peut-être pas se dérouler de la façon si simple qu'il imaginait.

Plus il se rapprochait de sa proie plus il se faisait une idée précise de celle-ci. Loin d'être le terroriste fataliste qu'il s'imaginait quand il était à Jaspor, il résultait qu'à ses débuts, ce n'était qu'un maître forgeron élémentaire peu regardant sur ses employeurs, tant que ceux-ci lui commandaient un ouvrage digne de sa compétence. Une personne imbue de son talent en somme. Peu à peu, cela lui a valu de faire la connaissance de commanditaires très riches. Et bien évidemment la richesse avait fini de corrompre cet esprit si brillant. L'appâter avec de nombreux dracs d'argent semblait être une bonne solution. Cela dit, ce Tendrik n'a guère forgé quoique ce soit en sombre acier depuis très longtemps, à moins qu'il n'ait changé son poinçon. Mais pourquoi aurait-il fait cela ? Plus il en apprenait, moins il savait comment l'appréhender. Se faire passer pour un autre ne fonctionnerait certainement pas. Alors pourquoi un inquisiteur demanderait qu'on lui fournisse une arme en sombre acier ? Pourrait-il lui faire croire qu'il a été banni et qu'il veut se venger ? Non, cela ne marcherait pas non plus. Envoyer quelqu'un d'autre ? Non plus, il est le genre d'homme à ne traiter qu'avec ses commanditaires et non des subalternes... Mais alors que faire ? Le provoquer ? Oui, pourquoi pas. Tout ce qu'il aurait à faire serait de le traiter comme un simple forgeron possédant quelques aptitudes. Celui-ci déciderait alors peut-être de se venger en faisait ce pourquoi Durian le traque : forger une lame en sombre acier qui aurait pour but de le corrompre, de le punir pour l'avoir blessé dans son orgueil. Durian avait maintenant un plan. Il lui tardait désormais d'arriver au grand village de Liaklos.

Une cinquantaine de fermiers n'avaient vu aucun inconvénient à ce qu'un protecteur et sa fille les accompagnent. Voir une nouvelle tête dans le village allait sans doute alimenter les conversions pendant quelques semaines. La bonne humeur ne quitta les membres de la caravane que lorsque des nuages de charbons commencèrent à envahir le ciel. Il fallait se hâter. Les bêtes devenaient nerveuses et les hommes aussi. A chaque fois que les nuages étaient aussi noirs, ce n'était pas un simple orage qui éclatait et de nombreuses choses étranges se produisaient. La venue de ce protecteur était peut-être salvatrice... ou bien était-ce peut-être le contraire.

Liaklos était entouré de nombreux champs, pour la plupart déjà moissonnés. La forge était en périphérie. La première chose qui frappa Durian était la simplicité du bâtiment. Il se fondait admirablement dans le paysage, ne se différenciant que par la fumée très dense qui s'échappait de la cheminée. Il s'attendait à une forge plus impressionnante, plus richement ouvragée, qui reflèterait l'image que Tendrik avait de son propre talent. Aurait-il apprit l'humilité ? Peut-être devrait-il changer son plan finalement... Mais en avait-il un autre ?

Sa "fille" attendait patiemment à ses côtés. Le vent apportait l'air glacial du Sud. Un grondement sourd descendait du ciel. La main de Durian effleura celle de sa protégée. Il était temps de passer à l'acte, de franchir la porte de bois qui le séparait de sa proie. Un éclair émeraude déchira le ciel, marquant le début d'une tempête.

Le forgeron qui se tenait devant lui ne devait pas avoir plus d'une vingtaine d'année. Un apprenti ? Durian se demandait alors quel était l'âge de son maître. Profitant que le jeune homme se soit noyé dans les yeux de sa protégée, il déposa quatre lingots de fer et guetta la réaction du gamin. Il ne s'attendait pas voir dans ses yeux des étincelles de désir. C'était comme s'il avait perçu au premier regard que les lingots qu'il avait déposé étaient d'une pureté exceptionnelle. Durian se reprit. Il devait jouer quelqu'un imbu de lui-même ce soir. Il se composa une expression froide et autoritaire.

Durian sortit de la forge satisfait. Pour lui, Tout s'était déroulé comme prévu. Il s'était montré suffisamment odieux pour que Tendrik veuille le punir. De plus sa protégée avait joué la comédie à merveille. Il était cependant étonné qu'elle ait su quoi faire. Cela dit, elle avait toujours eu une grande intuition. D'ici une semaine il aurait sa preuve et il pourra faire arrêter Tendrik pour hérésie... Mais pour son apprenti ? Que faire ? Il était doué et il avait encore toute sa vie pour lui.

Le temps s'égrenait lentement dans le village de Liaklos. Durian observait les moissonneurs manier leur faux avec dextérité. Il se renseigna sur l'apprenti et fut surpris d'apprendre que c'est lui aussi qui avait fabriqué les outils de travail de tout le village. Quand Tendrik pouvait encore utiliser ses yeux, il s'occupait de la confection des armes des seigneurs locaux, mais maintenant c'était Illan qui s'en chargeait. Beaucoup dans le village respectaient les deux forgerons qui fournissaient gratuitement les outils les plus communs. En somme Tendrik était un simple maître forgeron qui appréciait le calme de la vie rurale plutôt que la vie tumultueuse d'une cité.

Pendant toute la semaine, sa protégée l'avait laissé seul. Elle faisait tout le temps cela, apparaissant quand bon lui semblait et distillant son calme à ceux qui l'entouraient.

Au dixième jour, Durian se présenta et contre toute attente, Illan lui avoua que sa double épée n'était pas prête. L'inquisiteur laissa éclater une fureur feinte et alla jusqu'à frapper le jeune homme, l'obligeant à se rattraper à une table pour ne pas tomber. Usant de son statut, il se montra le plus odieux possible. Quand il menaça de s'adresser à quelqu'un de compétent Illan le supplia de patienter encore un peu. Durian lui rappela les termes de l'arrangement et s'en alla, le coeur serré d'avoir dû s'en prendre à ce jeune homme qui n'était, après tout, qu'une victime d'un maître corrompu.

Durian se demanda alors les véritables raisons du retard. Discrètement, il se mit à surveiller Illan. Celui-ci ne quittait jamais son atelier sauf pour aller chez l'alchimiste et en revenir avec une fiole contenant un liquide violet. La nuit était fortement avancée quand les coups de marteau cessèrent. Durian attendit un peu et vit Illan sortir en essayant de faire le moins de bruit possible. Il tenait un paquet et se dirigeait vers le lavoir. Durian voulut le suivre mais il remarqua l'ombre d'un ailé voler vers la chambre de Tendrik. Il en ressortit une vingtaine de minutes plus tard. Pendant son vol il fut percuté par un autre ailé et un terrible spectacle commença.

Combat de dragons

Shar rayonnait une lueur rouge, tandis que Khyméra se cachait derrière d'épais nuages. Deux dragons, emplirent de leur grondement respectif les rues du village. Déjà des bougies s'allumaient dans les chaumières. Le balai aérien des ailés était terrifiant. Tournoyants sans cesse l'un autour de l'autre, ils échangeaient coups de griffes et de crocs. Ils ne tardèrent pas à employer leur magie destructrice. Un voile de ténèbres enroula les deux créatures. Absorbant toute la lumière que renvoyait les étoiles et Shar, le globe se déplaçait à mesure que les dragons volaient dans les cieux. Soudain il se rompit. Le fils du neuvième était transpercé par de multiples pointes. Une foudre bleuté émergea des cieux et vint s'abattre sur ce dernier. Pourtant, les raies de lumière céleste continuèrent leur course jusqu'au sol et embrasèrent un champ de blé. Le dragon de l'ombre venait de disparaître. Il ne réapparut que quelques secondes plus tard au dessus de son adversaire, se servant des piques qui lui transperçaient le corps comme d'une arme. Il cracha son venin et le dragon du métal ne put réprimer un hurlement de douleur. Profondément blessé, maintenir son altitude lui était devenu impossible. Il entraîna le dragon de l'ombre avec lui dans une étreinte mortelle.

Leur chute fit trembler la terre. La panique gagnait les paysans. Chacun sortait de sa maison pour rejoindre la salle des fêtes. Libéré de sa paralysie, Durian se dirigea en courant vers les deux ailés. Avec un peu de chance, il n'arriverait pas trop tard. A mesure qu'il se rapprochait, il sentait la puissante magie ainsi que la fureur du combat envahir son corps. Le feu avançait à une vitesse folle et Durian dut bientôt se frayer un chemin dans les flammes. Haletant, il ne s'était pas préparé à voir ce qu'il avait désormais devant les yeux.

Le ruisseau jadis clair, était devenu un mélange de boue, de métal liquide et de sang. Il charriait une odeur de mort. Des tourbillons de poussière ravageait le sol et balayaient les rares cultures qui avaient échappé à la fureur de l'enfant de métal. Face à lui, le dragon de l'ombre émettait des gargouillis infâmes que Durian estima être un rire. Les pieux toujours enfoncés dans son corps, ils continuaient à mettre à mal le fils de Kezyr. Prenant son arme, et son courage à deux mains. Durian s'engagea dans la bataille.

Il abattit sa double lame sur la carapace chitineuse du dragon de l'ombre. Celui-ci, sans même accorder un regard à l'importun, lui donna un coup de queue qui le propulsa à une cinquantaine de mètres en amont de la rivière. Après un temps indéterminé il se releva maladroitement. Sa poitrine le faisait souffrir. Sa vision était trouble et il le goût du sang avait envahi sa bouche.

Pendant ce temps, il sentait que la danse macabre continuait et s'approchait dangereusement, ravageant tout ce qui l'entourait. Lorsque sa vision fut moins trouble il se mit en quête d'une arme. Un rayon lumineux arriva a percer les nuages et permis à l'inquisiteur de découvrir les reflets changeant d'une double épée. C'est tout ce qu'il demandait, une arme. Sans réfléchir, il l'a pris. En un instant il ne doutait plus de lui. Il savait qu'avec elle il arriverait à ses fins. D'abord chancelant, il se mit à courir en direction des grondements et des sifflements. Il n'écoutait plus que sa haine envers le fils du neuvième. Le sang battait à ses temps. Il le voyait. Il lui tournait, le dos, lui offrant une cible magnifique. Redoublant de vitesse, Durian se mit à hurler.

Le dragon de l'ombre se décala et l'inquisiteur vit que sa protégée se tenait entre les deux ailés. A ses pieds se trouvait le corps sanguinolent du jeune apprenti. Le dragon de l'ombre ne riait plus. La jeune fille pleurait. Le dragon du métal avait semble-t-il un léger sourire. Il hoqueta et cracha du métal liquide. Sa tête s'abattit lourdement sur le sol. Par endroit ses os étaient mis à nus.

Aveuglé, Durian se précipita sur le fils de Kalimsshar. Le souffle court, le dragon tourna sa tête à moitié arrachée mais dont les morceaux de chair se reformaient déjà. Il lança ses mâchoires ruisselantes d'acide. Elles rencontrèrent la lame de la double épée forgée des deux métaux les plus rares. Celle-ci s'enfonça sans le moindre effort dans le crâne de l'ailé et ne s'arrêta qu'une fois les premières vertèbres du cou tranchées. Durian hurla de douleur quand l'acide qui lui brûlait désormais ses épaules atteignit son visage. Il retomba lourdement sur le dos. Il n'avait pas lâché l'épée. Son contact lui donnait l'impression d'être invincible. Malgré son corps réticent il se releva, cracha du sang et regarda d'un oeil morne le couple qui se tenait devant lui.

Illan s'était relevé. Ses habits étaient couverts de sang. A ces côtés se tenait sa protégée qui pleurait toujours.

Durian prit sa tête entre ses deux mains et se livra à un combat intérieur.

Hurlant à plein poumon son désespoir, l'inquisiteur céda. Il se jeta sur Illan, la pointe de la lame fendant le sol boueux. Il mit toutes les forces qui lui restaient dans un mouvement de taille ascendant. Sa double épée ne rencontra que la chair de sa protégée qui venait de s'interposer sans qu'il ait eu le temps de la voir. La lame déchira la moitié de l'abdomen de la jeune fille. Emporté par son élan, Durian s'écroula dans les bras de l'apprenti forgeron. Ce dernier le bascula sur le dos. Le regard fixé sur son étoile, l'inquisiteur rendit son dernier soupir.

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Helenea © Prophezine 2004

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